Matin
RIO ROJO – Guillermo Quintero
Dans la forêt amazonienne, coule une rivière que la roche colore de ses rouges, de ses jaunes et de ses ocres. Oscar grandit dans ses flots, au sein d’une flore luxuriante que l’occupation des guérilleros FARC avait coupée du monde et préservée de toute pollution. Ici vivent aussi sa grand-mère Maria et l’Indien Sabino. Leur vie s’écoule comme la rivière, paisiblement.
Les nouvelles arrivent par la radio, entre deux morceaux de Cumbia: il paraît que l’armée va « sécuriser » la zone. Voilà déjà un hélicoptère, dont le flap flap des pales écrase le chant des oiseaux. Bientôt, les touristes pourront découvrir ce paradis terrestre… Avec cet afflux de visiteurs, combien de temps le restera-t-il ?
2023 – France, Colombie – vostf – 70′ – P – Stank/Romeo
Après-midi
PAR-DELÀ LES SILENCES – En présence du réalisateur, François Royet
Un homme en labeur, aux prises avec la matière des choses et la matière de son médium, peinture, encre ou fusain. Charles Belle puise son inspiration dans le végétal et dans l’animal, de l’oignon et la feuille de figuier jusqu’au taureau ruminant dans son atelier, jusqu’au corps à corps avec la lande et la forêt, par tous les temps. La caméra est au plus près des gestes, du jaillissement des couleurs, du mystère du regard, elle témoigne de la recherche de cet artiste obstiné, exigeant, toujours en mouvement, qui retravaille inlassablement ses œuvres et crée des images saisissantes. « Il faut sentir plutôt que de voir », dit-il. Un homme du Doubs, comme Courbet qui disait « n’avoir d’autre maître que la nature et son sentiment » .
2022 – France- 81′ – HC – François Royet/Aster Production
COCONUT HEAD GENERATION – Alain Kassanda
La lumière n’est pas encore rallumée dans la salle du cinéclub de l’Université d’Ibadan, au Nigéria, qu’un étudiant prend déjà la parole. Pour lui, les films du jour illustrent la complicité des femmes à l’égard de leur propre oppression – immédiatement, une étudiante le recadre : ce genre de blabla a le don de l’irriter, spécialement venant d’un homme !
Comme chaque jeudi, ici, on s’exprime et on s’affronte : élections, décolonisation, minorités ethniques, droits des femmes, des LGBT, intersectionnalité… Quel que soit le
sujet, les échanges sont de haute voltige. Mais quand éclate le soulèvement contre les violences policières, en 2020, c’est dans la rue que la colère gronde : les étudiants sortent du cinéclub et passent à l’action.
2023 – France, Nigéria – vostfr – 89′ – P – Ajímátí Films
LA BASE – En présence du réalisateur Vadim Dumesh
C’est un immense parking où 800 taxis attendent d’être dirigés vers un terminal de l’aéroport Charles de Gaulle. Dans les bâtiments rudimentaires, s’est créée une mini-société avec tables de ping-pong, lits de repos, vélos d’appartement, salle de prière…
On y cuisine, on joue de la musique, on fait une pétanque, Ahmed le jardinier plante des arbres sur les talus. Aéroport de Paris prévoit une nouvelle base encore plus grande.
Mais avec les téléphones portables, la concurrence d’Uber, la baisse du trafic aérien et l’arrivée des véhicules autonomes, le métier dont ces chauffeurs sont fiers aura-t-il encore sa place?
2023 – France – 72′ – P – Les films de l’Œil Sauvage
FORMAN VS. FORMAN – Helena Třeštíková
De la nouvelle vague tchèque à Hollywood, la vie de ce cinéaste n’est pas un long fleuve tranquille.
En 1959 le régime tchécoslovaque tente de donner un coup d’arrêt à la première vague de libération cinématographique qui émerge dans le pays. Peine perdue, les jeunes cinéastes persistent et signent. Sans doute aidés par les failles du régime, par l’essor de la FAMU (École du Cinéma et de la Télévision) et par les échos venus de l’Occident.
Une partie de la famille de Milós Forman a péri dans les camps. L’orphelinat a été son abri, comme pour d’autres jeunes. Il croisera là Václav Havel. Il rencontrera un metteur en scène lors d’un spectacle et cela décidera de son avenir.
En 1965, avec Les amours d’une blonde, il s’attaque au poids des parents et à l’autoritarisme de la société. Il a le goût de la liberté de ceux à qui on a tenté de poser un bâillon.
Il saura mieux que quiconque rendre l’intensité du présent (en opposition à l’éloge du passé), valoriser la force de personnalités atypiques (et non du collectif). Ainsi d’Amadeus (1984) et du héros de Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975).
« Nous étions en opposition avec la réalité du réalisme socialiste ou tout était irréaliste mais pas socialiste. Nous voulions mettre sur l’écran la vérité des comportements. » Interview de Michel Ciment (2009).
Des entretiens avec son fils, Petr Forman, accompagnent un choix pertinent d’extraits et d’images d’archives.
2019 – République Tchèque – vostf – HC – 78′ – Negativ, Alegria Productions
Soir
TAMING THE GARDEN – Salomé Jashi
Est-ce une île ? Est-ce un bateau?
Cette tache sombre sur la mer semble avancer, un arbre immense perché sur son dos.
Une côte de Géorgie au climat propice aux arbres, il y a même des mandariniers. Un projet pharaonique, celui d’un personnage riche, puissant et anonyme : s’approprier les arbres centenaires.
Le film révèle, dans un subtil crescendo des images, le travail de titan que suppose cet enlèvement, les réactions des femmes et des hommes de ce petit village, tourneboulés. Tout le monde s’en trouve déraciné…
Les plans calmes et larges, à la taille de ces géants, équivalant parfois à la hauteur de quinze étages, nous donnent, sans discours, la mesure de ce saccage
2021 – Suisse, Allemagne, Géorgie, Pays-Bas – vostfr – 92’ – P
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